Top 14 Demi-finales à Saint-Sébastien : développement lent du rugby au Pays basque espagnol

Le sport du rugby continue de se développer dans la région où se dérouleront les demi-finales du Top 14 vendredi et samedi, sans pour autant atteindre la ferveur et le niveau sportif constatés en France.

Malgré l’humidité et la chaleur étouffante, l’ambiance demeure paisible. On peut apercevoir quelques supporters français s’installer dans les bars à pintxos (tapas locales) de la vieille ville de Saint-Sébastien (Espagne). La veille des demi-finales de Top 14, les 9 et 10 juin, la cité basque donne peu d’indices sur la tenue de l’événement, presque comme si ses habitants n’étaient pas au courant. Quelques affiches sont collées sur certains murs, mais elles sont dissimulées par les nombreuses écharpes et drapeaux txuri-urdin (bleu et blanc) de la Real Sociedad.

Bienvenue à Donostia, le nom basque de la ville, où les habitants sont passionnés par les performances du club de football, qui a terminé à la quatrième place de la dernière saison de Liga. Après dix ans d’attente, la Ligue des champions sera de retour à l’automne prochain à Anoeta, le terrain de ces demi-finales. Laurent Travers, manager du Racing 92, qui affrontera Toulouse vendredi soir pour la première demi-finale, sourit en disant : « C’est clair que c’est un milieu basé sur le foot ici ».

Le rugby est très ancré dans la culture du Pays basque français, appelé iparralde, mais beaucoup moins du côté hegoalde, en Espagne. C’est une surprise, compte tenu des nombreux liens culturels qui unissent les deux parties de la région historique. José Miguel Galdos Oronoz, directeur technique de la Fédération basque de rugby, explique : « On a un petit public, ce n’est pas comme en France. Le maximum ici, c’est 800 ou 1 000 personnes. » Malgré cette discrétion, le Pays basque demeure l’une des principales régions du rugby en Espagne, avec environ 4 000 joueurs et jusqu’à quatre clubs en première division, qui en compte 13.

Un niveau comparable à la Fédérale 1

Imanol Harinordoquy, ancien troisième ligne du Biarritz Olympique et consultant pour France Télévisions, se souvient : « Quand on jouait à Anoeta en Coupe d’Europe avec Biarritz, on voyait l’engouement. » Ces rencontres organisées à Saint-Sébastien attiraient près de 30 000 spectateurs, dont un bon tiers venait de toute l’Espagne, car il est impossible d’avoir des matchs de ce niveau ici, ajoute Galdos Oronoz.

En effet, le niveau est moindre en raison de l’absence de réel professionnalisme. Julen Goia Iriberri, joueur international espagnol ayant évolué des deux côtés de la Bidassoa, le fleuve frontalier, compare : « C’est comparable à des clubs comme Mauléon, Oloron ou Anglet ». Les équipes qu’il mentionne évoluent entre la Nationale 2 et la Fédérale 1, les 4e et 5e niveaux français.

« Ici, un joueur que l’on appelle professionnel gagne à peine 1 000 euros. Les joueurs doivent aller en Fédérale 1 pour toucher plus d’argent », précise José Miguel Galdos Oronoz, directeur technique de la Fédération basque de rugby.

Julen Goia Iriberri a fait ce choix. Cet ailier est arrivé à Biarritz en 2013, en provenance de son club de la petite ville d’Ordizia. « Ça n’avait rien à voir ! », raconte l’ailier, alors âgé de 18 ans. « C’était digne d’une équipe de foot en Espagne, alors que dans mon club, c’était des joueurs locaux et quelques professionnels. » Après deux matchs en Top 14 avec le BO et un passage à Mauléon, Goia Iriberri est retourné à Ordizia, en première division.

Un échec ? « Au contraire », répond le dirigeant Galdos Oronoz. « C’est positif que ces joueurs apportent les fruits de leur formation française chez nous. » Les faibles moyens alloués aux équipes de jeunes constituent en effet un obstacle. « La clé, c’est l’investissement économique et le soutien des institutions », décrit Goia Iriberri. « Il y a beaucoup de potentiel et une grande marge de développement. »

Le rêve d’une sélection basque

José Miguel Galdos Oronoz insiste : « La frontière marque beaucoup. On a une vraie dépendance politique vis-à-vis de l’Espagne, alors qu’ici, tout est fait pour le foot. Nous, on regarde plus vers le nord que vers le sud. » Chez les jeunes, il n’est pas rare de voir des confrontations franco-espagnoles. Un tournoi, baptisé Eurochallenge, a même été créé en 2019 pour officialiser ces joutes transfrontalières. Baptiste Chouzenoux, troisième ligne du Racing, se souvient avoir joué avec les cadets de l’Aviron dans le mini-stade situé juste derrière Anoeta.

Mais les ambitions du rugby basque ne s’arrêtent pas là. « On lutte pour notre reconnaissance auprès de World Rugby », affirme José Miguel Galdos Oronoz. « Le pays de Galles et l’Ecosse le font, pourquoi pas nous ? » Le dirigeant en est persuadé, une sélection euzkadi réunissant des Français et des Espagnols pourrait rivaliser avec des nations de deuxième ou troisième rang européen. Un pas symbolique sera franchi samedi à 12h, avec le premier match depuis plus de quatre ans de cette sélection à XV contre son homologue catalane, dans le mini-stade qui jouxte Anoeta.