Des chercheurs colombiens ont récemment dénombré entre 181 et 215 hippopotames présents dans le pays. Cette population est issue de quatre mastodontes africains qui avaient été adoptés par un notoire trafiquant de drogue, avant de s’évader par la suite. La situation est plus complexe qu’on ne le pensait initialement, et soulève un véritable dilemme écologique qui engendre des divisions au sein de la Colombie et de la communauté scientifique.
Hervé Poirier, rédacteur en chef du magazine scientifique Epsiloon, nous informe aujourd’hui que les célèbres hippopotames de Pablo Escobar, qui s’étaient échappés il y a 30 ans dans une rivière colombienne, viennent d’être recensés.
franceinfo : En réalité, ces hippopotames sont deux fois plus nombreux que prévu ! Racontez-nous.
Hervé Poirier : Il y a un nouveau développement dans l’histoire des » Hippos de la cocaïne » : on ne pensait pas qu’ils étaient une centaine, mais des chercheurs colombiens viennent de les compter, en utilisant des drones et en multipliant leurs déplacements : ils sont en réalité entre 185 et 215 !
Et un tiers d’entre eux sont des jeunes, ce qui indique que les animaux se reproduisent rapidement. Il y a probablement moins de combats entre eux pour les ressources. Peut-être atteignent-ils la maturité sexuelle plus tôt qu’en Afrique, en raison des conditions luxuriantes. Une chose est sûre: cette espèce – le plus grand animal envahisseur du monde – se plaît beaucoup dans la jungle colombienne, plus encore que ce que l’on imaginait.
Et cela doit causer de sérieux problèmes ?
C’est une espèce très dangereuse, effectivement. Mais c’est surtout un casse-tête écologique incroyable. D’un côté, certains avancent qu’ils pourraient remplacer la mégafaune herbivore, disparue il y a 10.000 ans, et que l’écosystème pourrait trouver un nouvel équilibre, différent, mais tout aussi diversifié. D’autres, en plus grand nombre, font remarquer que ces hippopotames perturbent l’équilibre chimique des lacs, compactent les sédiments, érodent les berges, et menacent d’autres animaux en voie de disparition, comme le lamantin.
Que faire alors ?
On pourrait les stériliser. Mais des modélisations réalisées en avril dernier estiment qu’il faudrait 50 ans pour tous les éradiquer, et avec le nouveau décompte, cela prendrait encore plus de temps. Les autorités locales ont annoncé il y a quelques semaines vouloir transférer 70 hippopotames vers des parcs au Mexique et en Inde. Mais c’est très coûteux et ça ne changerait finalement pas fondamentalement la situation.
La solution recommandée par de nombreux chercheurs est l’abattage systématique, ce qui suscite l’indignation des associations de défense des animaux. En bref, cette histoire étrange, qui soulève des questions passionnantes sur les effets réels des espèces envahissantes, la pertinence de « re-sauvager » le monde et l’influence des émotions humaines en écologie, est loin d’être terminée. Et tout cela a commencé avec quatre pachydermes d’un trafiquant de drogue…