Chasse aux arrêts maladie complaisants : Maltraitance envers médecins de famille dénoncée

L’organisme national de l’assurance maladie enjoint à plus de mille praticiens de réduire les congés pour maladies, sous peine de sanctions financières. Mardi, sur franceinfo, Luc Duquesnel les encourage à ne pas accepter « cette instauration d’objectifs ».

« Mettre cette pression sur les médecins traitants est scandaleux et constitue de la maltraitance envers les médecins de famille », a déclaré le 20 juin sur franceinfo Luc Duquesnel, médecin généraliste en Mayenne et président de la branche « généralistes » de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). Le gouvernement souhaite lutter contre les arrêts maladie de complaisance et espère ainsi récupérer 10 milliards d’euros.

La Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) a contacté 6 000 médecins, identifiés comme d’importants prescripteurs d’arrêts maladie. Un millier d’entre eux sont particulièrement ciblés. Ils doivent s’engager à réduire les arrêts maladie, sous peine de sanctions financières. Luc Duquesnel appelle à refuser « cette mise sous objectif » et les encourage à demander « une mise sous accord préalable ». En d’autres termes, l’arrêt maladie devra être validé par le médecin conseil.

franceinfo : Le gouvernement a-t-il raison de faire la chasse aux arrêts maladie de complaisance ?
Luc Duquesnel : Si des fraudes aux arrêts de travail sont réellement identifiées, il est clair que l’on ne peut pas être d’accord avec de telles fraudes. Cependant, seuls les médecins généralistes et les médecins de famille seront contrôlés. 6 000 médecins représentent 13 % des médecins généralistes puisque nous sommes actuellement 46 000 en France. Aujourd’hui, il y a de moins en moins de médecins sur le terrain et de plus en plus de patients à prendre en charge. Être médecin de famille est de plus en plus difficile de nos jours.

 Luc Duquesnel, président de la branche « généralistes » de la CSMF

Les arrêts de travail ont augmenté de 30 % ces trois dernières années. Quelle en est la cause ?
Il y a de moins en moins de chômage, donc de plus en plus de gens qui travaillent. Si de plus en plus de gens travaillent avec des salaires qui augmentent, il est normal que le nombre d’arrêts de travail augmente et que le coût des arrêts de travail augmente. Ce n’est pas surprenant. C’est de la véritable maltraitance envers les médecins, les médecins de famille et les médecins de terrain. La Caisse nationale d’assurance maladie va contribuer à aggraver l’accès aux soins. Quand on voit à quel point notre travail au quotidien est dur. Lorsque je prescris des arrêts, c’est parce que le rendez-vous avec les spécialistes est dans trois mois et que je vais prolonger l’arrêt de travail du salarié.

On ne vous a jamais demandé des arrêts de complaisance ?
Ce qui peut arriver, c’est quelqu’un qui va simuler un mal de dos, mais c’est toujours des arrêts de courte durée. Aujourd’hui, il y a des entreprises qui sont identifiées par la Cnam où le travail est de plus en plus dur, où le turn-over des salariés est important parce que les conditions de travail sont très difficiles. Ce sont des gens qui présentent des états d’anxiété, des états anxio-dépressifs, qui ne dorment plus, qui arrivent en pleurs au cabinet. Normalement, la caisse est informée de tous ces arrêts. Si vraiment il y a des arrêts qui sont renouvelés, elle peut contrôler les patients. Donc aujourd’hui, mettre cette pression sur les médecins traitants est scandaleux et constitue de la maltraitance envers les médecins de famille.

Les courriers sont adressés uniquement aux médecins qui prescrivent au moins deux fois plus d’arrêts de travail que les autres.
Cela dépend de votre patientèle. Si vous avez une patientèle qui est constituée avant tout de patients retraités, le taux d’arrêts-maladies est très faible. On dit souvent que l’âge de la patientèle du médecin correspond à l’âge du médecin. Si vous avez 40 ans, cela signifie que vous avez une patientèle avec un pourcentage important de personnes qui travaillent. À partir de là, vous allez avoir beaucoup plus d’arrêts de travail par rapport au nombre d’actes que vous faites. Il n’y a rien de surprenant.

« Le fait que les médecins-conseils vont proposer une mise sous objectif, c’est-à-dire qu’on va dire aux médecins : vous devez diminuer de 15 % vos arrêts de travail. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que pour les patients qui sont en souffrance, on ne pourra pas faire d’arrêts de travail. »

Luc Duquesnel, président de la branche « généralistes » de la CSMF

On dit aux médecins : refusez cette mise sous objectif, par contre demandez une mise sous accord préalable. Cela m’est arrivé il y a quelques années. Quand je fais un arrêt, je préviens le patient que mon arrêt ne sera effectif que s’il est validé par le médecin conseil. Aucun de mes arrêts n’a été remis en cause par le médecin conseil.