Le tribunal d’assises de Paris a écouté jeudi les témoignages des victimes et de leurs familles, dans le cadre du procès lié à l’attaque terroriste visant la synagogue située rue Copernic à Paris, en 1980. La décision finale est prévue pour le 21 avril, bien que l’accusé ne soit pas présent lors des débats.
43 ans après l’explosion d’une bombe devant la synagogue de la rue Copernic à Paris, des victimes et leurs proches ont témoigné de leur traumatisme, jeudi 13 avril, devant la cour d’assises de Paris.
Dans cet attentat, les personnes les plus touchées n’étaient pas les membres de la synagogue mais les passants et les habitants du quartier. Parmi les morts, il y a Philippe Bouissou, un motard, Hilario Lopes-Fernandes, un concierge du quartier, Aliza Shagrir, une Israélienne de passage par hasard et Jean-Michel Barbé. Sa fille Patricia déplore que deux juges d’instruction aient pu prononcer un non-lieu il y a cinq ans, même s’il y a finalement un procès aujourd’hui.
Les premières victimes, ce sont les fidèles de la synagogue
Il y a aussi ceux qui étaient sur les lieux et qui ont été blessés le soir de l’attentat. Gérard Barbié avait 28 ans au moment de l’explosion. Il se trouvait dans le magasin d’électroménager de ses parents et se souvient de la détonation, du magasin plongé dans le noir, puis des flammes dans la rue. La moto chargée de 10 kilos de pentrite avait été placée juste devant la boutique. Tremblant, il se souvient du traumatisme de sa mère, jusqu’à sa mort il y a trois ans, et des éclats de verre qu’elle a gardés dans son corps jusqu’à sa tombe. Mais Gérard Barbié l’affirme : les premières victimes, ce sont les fidèles de la synagogue. Quelques applaudissements se font alors entendre dans la salle.
Un témoignage marquant est celui d’une femme qui était dans la synagogue ce jour-là. Corinne Adler avait 13 ans, ses grands-parents avaient fui l’Allemagne en 1938. Elle fêtait sa bat-mitsvah. Elle décrit une scène d’apocalypse mais raconte les mots teintés d’humour de son grand-père, quelques secondes après l’explosion, lui qui était venu spécialement d’Israël : « pour ça je n’avais pas besoin de venir à Paris ». Pour Corinne, la vie a repris. La cérémonie s’est tenue dès le lendemain matin. Dehors, la rue Copernic était noire de monde. Un mois après, l’adolescente a perdu ses sourcils. Aujourd’hui, cette sage-femme a 56 ans et « un métier qui a plus trait à la vie et à la joie ».
Le suspect, Hassan Diab, a annoncé qu’il resterait chez lui au Canada. Représenté par son avocat, il est soupçonné d’avoir appartenu au front populaire de libération de la Palestine et clame son innocence dans cet attentat, qui a fait quatre morts et une quarantaine de blessés, le 3 octobre 1980.
Un magistrat du parquet antiterroriste présente « ses regrets »
Cette matinée d’audience a montré la place dérisoire des victimes en 1980. C’est peut-être le rabbin de la synagogue de la rue Copernic qui en parle le mieux. Il se souvient de ce jour de 2011, 31 ans après l’attentat, où deux policiers se sont présentés pour lui demander s’il avait remarqué quelque chose d’anormal ou repéré un suspect ce jour-là. En 31 ans, il n’avait jamais été interrogé.
L’un des deux magistrats du parquet antiterroriste se lève alors et présente « ses regrets ». « Nous sommes sidérés », « ça ne se passe plus ainsi », précise-t-il. Des victimes déconsidérées et des victimes juives que l’on a fait culpabiliser. Le rabbin se souvient que le lendemain de l’attentat, il est allé rendre visite à des blessés à l’hôpital. « Un médecin m’a demandé ce que je faisais là, dit-il, j’ai dit que j’étais rabbin et il m’a répondu « sortez d’ici, vous êtes responsable de cela » ». Le verdict est attendu le 21 avril.