Invité sur les ondes de France Inter pour évoquer la disparition du sous-marin « Titan », le célèbre archéologue subaquatique Michel l’Hour « opte pour envisager une hypothèse autre qu’un souci structurel », car, dans cette situation, « le diagnostic serait extrêmement pessimiste ».
Selon Michel L’Hour, archéologue sous-marin de renom et ancien directeur du Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM), plusieurs facteurs pourraient être à l’origine de la disparition du sous-marin parti explorer le Titanic. Invité mardi sur France Inter, il explique que l’absence de communication pourrait être due « à une perte d’énergie totale », mais que le sous-marin peut « remonter tout doucement à la surface ».
Comment cherche-t-on un sous-marin à 4 000 mètres de profondeur ?
Après 1h45 de plongée, on perd contact avec le sous-marin. Plusieurs raisons pour cela : une perte d’énergie totale, plus de communication, plus de motricité. Dans ces cas-là, les sous-marins sont comme les robots: en flottabilité positive, c’est-à-dire qu’ils sont censés remonter lentement à la surface. Comme il n’a pas de moyens de communication et qu’il remonte de 3 000 ou 4 000 mètres de profondeur, et qu’il ne ressort pas à la verticale de son point de départ, il peut être porté par le courant et s’éloigner.
En tout cas, j’espère que c’est l’une des choses qui aurait pu arriver et que le sous-marin se trouve aujourd’hui quelque part à la surface de l’Atlantique. C’est la raison pour laquelle les Américains et les Canadiens ont d’abord entrepris des recherches aériennes. C’est le plus indispensable. On a perdu presque 24h entre le moment où le sous-marin a cessé d’émettre des informations et aujourd’hui. Il faut donc désormais chercher dans une zone maritime très large si on peut apercevoir ce qui relève d’un sous-marin à la surface, ce qui n’est pas grand-chose, l’essentiel du sous-marin étant sous l’eau.
La remontée à la surface peut-elle prendre plusieurs heures, voire plusieurs jours ?
Non, pas plusieurs jours. Nous avons déjà perdu des robots et ils remontent en 1 heure, 1h30 de 1 000 mètres. Je n’ai pas les données techniques sur le Titan, car c’est un sous-marin de conception très récente. Ce qui est sûr, c’est qu’il peut sortir assez loin, à plusieurs nautiques, à plusieurs milles marins, du navire. Là, il est évident qu’on ne l’observera pas du pont. La seule façon de le retrouver est par détection aérienne.
Vous évoquez l’hypothèse la moins défavorable en parlant d’un problème de communication ou d’électricité, est-ce qu’il peut aussi y avoir un problème sur la coque ?
Je vais garder ça pour la fin car c’est évidemment l’hypothèse que je ne veux pas envisager. Il peut y avoir d’autres problèmes : le sous-marin se coince quelque part, par exemple. Il ne faut pas perdre de vue que le Titanic a plus de 100 ans sur le fond, que c’est un navire de construction métallique et qu’à tout moment, des superstructures peuvent s’effondrer. Il suffit d’être à proximité à ce moment-là pour se retrouver coincé.
Est-ce qu’il y a souvent des sous-marins portés disparus comme cela ?
Ce n’est pas un métier dangereux, mais c’est un métier à risques. Là, on est sur des profondeurs relativement importantes : 4 000 mètres, c’est 400 kg de pression au centimètre carré. Si on parle de problème de structure, le pronostic serait très défavorable. Je ne connais pas ce sous-marin, mais j’en ai discuté avec Paul-Henri Nargeolet [grand spécialiste du Titanic dont on sait à présent qu’il est à bord du sous-marin disparu], un très vieil ami avec qui je travaille depuis 40 ans.
On a parlé de ce sous-marin début mai, la veille de son départ pour Saint John’s dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador au Canada, pour cette mission. On discutait justement de ce sous-marin en fibres de carbone avec un hublot de 60 cm de diamètre. Je me souviens lui avoir dit: « Tu n’as pas les jetons ? Tu n’as pas peur d’une machine comme ça ? », et il m’a répondu: « Écoute, c’est vrai que c’est intrigant, mais c’est aussi pour ça que j’ai envie de plonger avec pour voir ce que c’est. » Je préfère imaginer autre chose qu’un problème de structure.