La mise en oeuvre de l’expérience ne fut pas aisée, néanmoins elle a été menée à bien ! Des spécialistes en psychologie ont prouvé que les rats étaient également sujets à l’erreur de conjonction, une des distorsions cognitives les plus connues qui altèrent notre logique de réflexion.
Le rédacteur en chef du magazine Epsiloon, Hervé Poirier, nous informe que les rats sont également affectés par l' »erreur de conjonction », un biais cognitif auparavant considéré comme spécifique au raisonnement humain. On pensait que les processus cognitifs liés à ces biais étaient uniques à notre cerveau, mais cette expérience démontre la façon universelle de penser.
franceinfo : Est-ce la première fois qu’un tel biais est identifié chez des non-humains ?
Hervé Poirier : L’erreur de conjonction a été découverte par les psychologues Tversky et Kahneman en 1983, avec le célèbre « problème de Linda ». Si je vous dis que Linda a 31 ans, célibataire, franche, brillante, diplômée en philosophie, préoccupée par la discrimination et la justice sociale et qu’elle a participé à des manifestations antinucléaires. Selon vous, Linda a-t-elle plus de chance d’être guichetière dans une banque ou guichetière dans une banque et militante du mouvement féministe ?
La deuxième réponse ?
Et bien, vous êtes tombé dans le piège. 90% des humains répondent de cette façon. Ce n’est pas logique : même si les éléments le suggèrent, il n’est pas certain à 100% que Linda soit aujourd’hui une féministe engagée. Elle a donc plus de chances d’être simplement banquière plutôt que banquière et féministe. Plus généralement, la conjonction de deux événements ne peut pas être plus probable que l’occurrence de chacun d’eux, pris individuellement. Des psychologues ont récemment démontré que les rats sont également soumis à cette « erreur de conjonction ».
Comment ont-ils procédé ?
Ils ont adapté le problème de Linda en utilisant des tests très subtils, incluant des sons, des lumières et des récompenses. Dans l’ensemble, le comportement des rats indique qu’ils ont tendance à penser que l’événement « la lumière est allumée » est moins probable que l’événement « la lumière est allumée et un son retentit ». C’est également une erreur de conjonction. C’est la première fois que ce genre de biais cognitif est mis en lumière chez des êtres non-humains.
Comment expliquer cette découverte ?
Ce n’est en réalité pas si surprenant. Les biais de confirmation, d’ancrage et rétrospectif, parmi d’autres, affectent notre rationalité. Ces biais entraînent certes des erreurs, mais accélèrent généralement la prise de décision de manière pertinente, ce qui est crucial pour la survie. Il est donc probable que les rats, ainsi que les kangourous ou les girafes, soient sujets à ces mêmes déviations systématiques de la pensée rationnelle. Sur Terre, aucun cerveau n’est câblé pour être parfaitement logique.