Quatre individus associés à l’idéologie néo-nazie sont jugés devant une cour d’assises spéciale. La première journée de l’audience a été principalement dédiée à l’examen du profil de la personne qui était perçue comme le leader du groupe.
« C’est une période de ma vie où j’étais radicalisé, choqué après les attentats de 2015. » À la barre, Alexandre Gilet, ex-gendarme adjoint volontaire âgé de 27 ans, est le principal accusé d’un procès très particulier. Il s’agit d’une première en France : depuis le 19 juin, quatre membres de l’ultradroite néo-nazie comparaissent devant une cour d’assises spécialisée en terrorisme. Les affaires précédentes, telles que celles du groupe des Barjols et du dossier OAS, ont été jugées par un tribunal correctionnel.
Alexandre Gilet, portant un jeans et un t-shirt noir, une mèche longue et les cheveux en brosse, se trouve dans le box des accusés. Il est en détention depuis quatre ans. Les trois autres sont jugés librement. L’accusation considère Alexandre Gilet comme le meneur du groupe, et l’un de ses complices a déclaré durant l’enquête qu’il souhaitait faire »pire que le Bataclan ».
Des photos montrant des saluts hitlériens
Une vingtaine d’armes, dont deux Kalachnikov, ont été retrouvées chez Alexandre Gilet. Dans son ordinateur, un communiqué rédigé comme une revendication, prêt pour une attaque prévue le 13 novembre 2018. Un manifeste, similaire à ceux des tueurs de masse d’extrême droite comme Anders Breivic, qui en 2011 avait tué 77 personnes à Utoya, en Norvège, a également été découvert.
Alexandre Gilet et les trois autres accusés se sont rencontrés sur des forums en ligne. Leur discussion, résolument néo-nazie, se nommait « WaffenKraft », qui signifie « puissance des armes » en allemand. Ils y parlaient de leur haine des Arabes, des Juifs, des homosexuels et des projets violents qu’ils envisageaient de mener.
En été 2018, les quatre hommes se retrouvent dans une forêt, près de Tours, pour s’entraîner à manier les armes. Des centaines de photos et de vidéos ont été découvertes : les accusés s’affichaient en train de faire le salut hitlérien ou de tirer sur des cibles.
Donald Trump et Viktor Orban comme modèles
Lors du premier jour d’audience, différents professionnels ont analysé la personnalité d’Alexandre Gilet. Ses proches et l’accusé lui-même ont ensuite été entendus. Le profil d’un jeune homme solitaire et accro aux écrans et aux jeux vidéo dès l’enfance et l’adolescence se dessine au fil des témoignages.
Longtemps en échec scolaire, il finit par intégrer l’armée de terre pendant six mois, puis il devient gendarme adjoint volontaire, attiré par les valeurs patriotiques. Il y est remarqué pour son insubordination. Il choisit alors de suivre une formation pour devenir chauffeur de bus.
De leur côté, ses parents, séparés depuis qu’il a trois ans, le décrivent comme un garçon « gentil », « timide ». Ils assurent avoir découvert son idéologie nazie lors de son arrestation. « Il y avait des choses qu’il n’aimait pas, mais néo-nazi, j’ai été choquée » affirme sa mère. « Ce n’est pas l’éducation qu’on lui a donnée », ajoute son père.
Le jeune homme se dit désormais séduit par des personnalités telles que Donald Trump ou Viktor Orban, mais nie toujours être dans une démarche de pensée nazie. « Sa rage de 2017-2018 a trouvé son origine dans les attentats islamistes », notent les enquêteurs de personnalité, comme un traumatisme qui l’a poussé à s’autoradicaliser sur internet. Il leur a confié avant le procès : « C’est parti beaucoup trop loin, c’était comme du fanatisme, une envie de vengeance… et je me retrouve où j’en suis maintenant. » Il insiste toutefois : « Je n’étais pas capable psychologiquement de passer à l’acte. »
Des mosquées et Jean-Luc Mélenchon parmi les potentielles cibles
Parmi les parties civiles, des avocats représentent les cibles envisagées par le groupe néo-nazi, notamment la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) et Jean-Luc Mélenchon.
Les accusés viseraient principalement des mosquées de la région parisienne et des lieux où vivent des populations musulmanes. Les comparses majeurs risquent 30 ans de réclusion et le mineur, 20 ans. Le verdict est attendu pour le 30 juin.