La Direction du travail a lancé une investigation concernant des pratiques critiquées par cinq entreprises d’ambulances lyonnaises. D’après ces sociétés, des récompenses liées au nombre de courses seraient notamment offertes aux conducteurs, les incitant à augmenter continuellement leur rythme de travail.
« Nous ne comptons pas nos heures, nous sommes tous épuisés, nous nous sacrifions et cette situation va encore ternir la réputation de notre métier », se plaint la responsable d’une entreprise d’ambulances qui affirme respecter les règles et ne trouve plus de conducteurs. La raison de ses difficultés est la pénurie de main-d’œuvre dans ce secteur, qui est confronté à des conducteurs pas intéressés ou trop exigeants en termes de salaire. Pour les attirer, certaines entreprises proposent des primes à la course ou un pourcentage sur le chiffre d’affaires quotidien.
Ces pratiques ont été dénoncées par cinq entrepreneurs du secteur dans le Rhône, ce qui a poussé la Direccte (direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) d’Auvergne-Rhône-Alpes à lancer une enquête. Dans un courrier adressé à l’Agence régionale de santé, ces sociétés dénoncent une « concurrence déloyale ».
Deux patients dans la même ambulance
Avec ces primes, les ambulanciers voient leurs revenus augmenter de 15 à 20 %. Cependant, cela les oblige à travailler plus vite et à dépasser souvent les 12 heures de travail journalières légales. Jean-Pierre*, qui a 20 ans d’expérience dans le métier, témoigne: « Aujourd’hui, c’est le rendement qui prime sur la qualité. Plus on va vite, mieux on est payé », dénonce-t-il.
« On peut gagner du temps de travail sur la route en conduisant très, très vite, en déposant les patients rapidement sans se soucier de leur état, en prenant deux patients dans la même ambulance », explique Jean-Pierre, ambulancier à Lyon depuis 20 ans, à Franceinfo.
« Un patient qui devrait être allongé, s’il est capable de marcher un peu, on le prendra et on le mettra assis », ajoute Jean-Pierre. « Ce sont des primes d’assiduité, des primes de rentabilité, des primes de repas un peu déguisées. Et, aujourd’hui, des entreprises sérieuses qui respectent le Code de la route, elles ne trouvent pas de salariés », explique-t-il.
Des contrôles difficiles à effectuer
Julie Nardin, inspectrice du travail, parle également d’une concurrence « féroce » qui s’est intensifiée avec le secteur privé qui a récupéré une partie des transports d’urgence. « Ces primes, si elles existent, elles sont interdites. Et il est obligatoire pour les inspecteurs du travail d’aller d’abord vérifier l’existence des décomptes de la durée du travail, et puis de regarder ce qu’il y a sur les bulletins de paie. S’il n’y a ni l’un ni l’autre, forcément, c’est plus compliqué. Cela signifie que ce sont des paiements au noir… Et là, ce sont des contrôles qui sont forcément plus difficiles puisqu’il faut aller contrôler le travail illégal, voire essayer d’établir en arrêtant les ambulanciers sur la route, si par hasard, il y a ce type de rémunération qui leur est donnée de la main à la main », explique-t-elle.
À Lyon, personne n’a oublié la mort récente de deux adolescents en trottinette et d’un motard percuté par des ambulances.
*Le prénom a été modifié