Pénurie médicaments: relocaliser la production, premier pas important mais insuffisant, dit économiste santé

Emmanuel Macron a déclaré mardi qu’il mettrait en place diverses actions afin de réduire les problèmes d’approvisionnement en médicaments. Notamment, la relocation de la fabrication de 25 substances chimiques essentielles « au cours des semaines à venir ».

Le 13 juin, Emmanuel Macron a présenté une série de mesures visant à prévenir les pénuries de médicaments essentiels, lors de sa visite à l’usine du laboratoire Aguettant à Champagne, en Ardèche. Parmi ces mesures figure la relocalisation prochaine de la production de 25 molécules sur le territoire français, pour un investissement total de 160 millions d’euros.

Cette annonce intervient après un hiver marqué par des tensions dans les officines et les hôpitaux. La triple épidémie de Covid, grippe et bronchiolite a augmenté les demandes en médicaments en France, provoquant des pénuries plus importantes que lors des années précédentes. Nathalie Coutinet, économiste de la santé et auteure de L’économie du médicament (La découverte, 2018), a analysé pour Franceinfo les solutions proposées par Emmanuel Macron.

Franceinfo a demandé à Nathalie Coutinet si la relocalisation de 25 médicaments dans les semaines à venir permettrait d’éviter de nouvelles pénuries hivernales. Selon elle, ce n’est pas le cas, car environ 3 500 molécules ont été en pénurie cette année. Toutefois, elle considère que c’est un premier pas important pour sortir de la situation de pénurie pour un certain nombre de molécules dites « essentielles ». Elle estime que les 25 ou 50 molécules relocalisées sont insuffisantes, étant donné que le ministère de la Santé doit dévoiler une liste de 450 molécules qui posent problème.

Les médicaments ciblés sont ceux qui ont manqué récemment et qui sont en effet importants. Concernant l’amoxicilline, mentionnée par Emmanuel Macron, Nathalie Coutinet explique que c’est surtout la version pédiatrique qui a fait défaut cet hiver, en raison de problèmes de conditionnement et de flacon. Ainsi, bien que la relocalisation soit essentielle, cela ne résout pas tout, car le plus important dans la production de médicaments reste leur principe actif.

Interrogée sur l’investissement de « plus de 160 millions d’euros » annoncé par le chef de l’État, Nathalie Coutinet estime qu’il n’est pas clair de quoi cet investissement est constitué et comment il sera réparti. Elle souligne également que les firmes pharmaceutiques comme Sanofi et GSK, qui figurent parmi les entreprises citées par Emmanuel Macron, ont délocalisé pour augmenter leurs profits et les dividendes versés aux actionnaires. Elle se demande donc pourquoi l’argent public devrait financer ces relocalisations. Néanmoins, elle considère que si cet investissement sert à financer de petits producteurs indépendants, cela pourrait les inciter à continuer à produire en France et à rester sur ce territoire.

Emmanuel Macron a également appelé à « relancer la relocalisation et le renforcement des capacités de production au niveau européen ». Nathalie Coutinet explique que l’Europe n’est pas autosuffisante en matière d’approvisionnement et que la situation en matière de recherche et de développement se dégrade en France et dans l’Union européenne. Elle souligne que le Vieux Continent n’est plus capable de découvrir des médicaments au même rythme que les États-Unis et que cela crée une double dépendance. Selon elle, il est évident que la France ne peut pas relocaliser à elle seule l’ensemble des 450 médicaments présents sur la liste du gouvernement, et il est nécessaire que les pays membres de l’Union européenne s’impliquent de manière coordonnée.