Médecin: Enquête sur l’essor des téléconsultations express en cabines connectées

Lorsque l’on va chez le médecin, cela se passe généralement en personne, dans un bureau, avec une consultation en face-à-face. Cependant, avec la situation actuelle de la crise sanitaire, les consultations à distance ont connu une augmentation importante : en particulier dans le cadre de dispositifs connectés, permettant aux médecins d’examiner leurs patients à distance. Cette alternative est fortement appréciée par plusieurs personnes et responsables politiques qui font face à un manque de professionnels de la santé dans certaines zones. Toutefois, certains praticiens considèrent cette évolution en matière de santé avec une certaine méfiance.

La télémédecine promet des consultations médicales accessibles où et quand on le souhaite. Ces dernières années, de nombreuses plateformes ont installé des cabines équipées, notamment dans les pharmacies. Pour utiliser ces cabines, il faut entrer ses informations personnelles, sa carte vitale et son numéro de carte bancaire. Le coût d’une consultation est de 25 euros, soit le même prix qu’une consultation en cabinet. Mais quel est le niveau de prise en charge offert par ces consultations à distance ?

Des téléconsultations de moins de quatre minutes

Lors d’un essai dans une cabine de téléconsultation, nous avons constaté des échanges brefs et des questions basiques posées par le médecin à l’autre bout de l’écran. Dans ce cas précis, la consultation a duré 3 minutes et 58 secondes, et le praticien a diagnostiqué une contracture musculaire chez le patient, en se basant sur des informations limitées. Dans un autre exemple, nous avons visité une cabine de consultation dans un supermarché de la région parisienne, où un médecin a suspecté une angine et prescrit une ordonnance, le tout en 3 minutes et 22 secondes. Ces durées sont bien inférieures à la durée moyenne des consultations en cabinet, qui est de 18 minutes, selon une étude du Ministère de la Santé.

Le nombre de téléconsultations a connu un essor fulgurant depuis la crise sanitaire, passant de 80 000 en 2019 à 9 400 000 en 2021. Mais derrière cette promesse d’une médecine à portée de main, certains médecins que nous avons contactés témoignent d’une rentabilité recherchée par certains groupes privés. Ces praticiens dénoncent des consultations trop rapides et peu approfondies, ainsi que des rémunérations faibles et la nécessité d’enchaîner les rendez-vous pour être mieux payés.

La recherche de rentabilité des plateformes

Certaines plateformes de télémédecine ne cachent pas leur stratégie commerciale. Nous avons obtenu un courrier de recrutement pour un poste de médecin salarié, dans lequel les futures recrues sont incitées à être productives. Leur salaire fixe est complété par une part variable basée sur le chiffre d’affaires, et on leur indique que plus elles voient de patients, plus leur chiffre d’affaires augmentera. Ce courrier provient de la plateforme Medadom, une des startup françaises les plus importantes du secteur.

Nathaniel Bern, co-fondateur de Medadom, nie pousser les médecins à augmenter leurs cadences et défend le modèle de rémunération de l’entreprise. Il explique que le temps de consultation est principalement consacré au temps médical, tandis que les aspects administratifs peuvent être gérés en amont de la téléconsultation. Toutefois, l’Ordre des médecins se montre sceptique face à ces arguments et craint une marchandisation des actes de soins, qualifiant ces pratiques de « médecine fast-food ».

Selon la législation actuelle, les médecins ne peuvent pas consacrer plus de 20 % de leur activité à la téléconsultation. Les plateformes de télémédecine souhaiteraient toutefois augmenter ce seuil.