Marioupol: Vue de l’autre côté de la guerre – Témoignages et réalités sur le terrain

Marioupol, cité gravement touchée par le conflit ukrainien, autrefois inaccessible et désormais en pleine transformation, avec des bâtiments en construction grâce aux grues russes. Il est peu fréquent que des reporters occidentaux aient la possibilité de se rendre dans cette zone où les tirs de missiles se poursuivent. Sylvain Tronchet, le représentant de Radio France à Moscou, a pu se rendre sur les lieux.

Marioupol, une ville marquée par la guerre en Ukraine, est en train d’être reconstruite par la Russie pour en faire un symbole de la « Nouvelle Russie » souhaitée par le Kremlin. Sylvain Tronchet, correspondant de Radio France à Moscou, s’est rendu sur place et a travaillé avec Alain Barluet, correspondant du Figaro à Moscou.

Marioupol est connue pour des images d’horreur, comme une maternité bombardée, des femmes enceintes et des nouveau-nés tués, un théâtre écroulé sous les bombes avec des civils à l’intérieur, et des milliers de morts. Les nouvelles autorités veulent effacer ces scènes de guerre de la mémoire locale, en recouvrant les ruines du théâtre d’une bâche.

En arrivant à Marioupol, Sylvain Tronchet est frappé par l’ampleur des travaux de reconstruction : routes, bâtiments neufs et colorés, hôtels pour touristes. La ville veut effacer son passé industriel pour devenir une station balnéaire sur la mer d’Azov, avec une chaîne de télévision locale axée sur les avancées des chantiers.

On ne veut plus parler de la guerre

Les habitants de la ville sont fatigués après neuf ans de guerre dans le Donbass. La plupart des Ukrainiens ou pro-Ukrainiens sont morts ou partis, ne restant que des pro-Russes ou des familles qui ne s’identifient plus comme telles, mais souhaitent seulement la paix. La promesse d’un avenir meilleur est incarnée par cette nouvelle ville construite par les pelleteuses et les grues russes.

Un « techno-parc » est prévu sur l’ancienne usine d’Azovstal, où se sont déroulés les combats les plus sanglants. Ce projet témoigne de la volonté d’effacer la mémoire résistante qui s’était manifestée sur ce lieu. Cependant, le site n’est pas encore déminé et les missiles continuent de voler au-dessus.

La propagande véhicule le message que la guerre appartient au passé et se déroule désormais ailleurs. Ce déni se heurte à une réalité sociale marquée par la guerre : absence de revenus et de travail, indemnités faibles voire dérisoires.

Sylvain Tronchet et Alain Barluet ont pu couvrir la situation à Marioupol malgré les difficultés d’accès pour les journalistes occidentaux, grâce à leurs visas russes. Ils ont pu travailler librement et en sécurité, même si les autorités locales ont refusé de leur accorder des interviews et que certains habitants ont refusé de parler aux journalistes. La parole n’est pas totalement libre et chacun pèse ses mots dans l’expression publique.