Grève des acteurs à Hollywood dès juillet : l’industrie cinématographique en alerte

Hollywood sera-t-il mis à mal par les comédiens, deux mois après le commencement de l’arrêt de travail des auteurs de scripts? L’incertitude règne aux USA face à la probabilité d’une seconde vague de contestations sociales, qui pourrait s’amorcer dès la fin de cette semaine et entrainer la suspension presque totale des réalisations cinématographiques et télévisuelles.

En cinéma, le chrono tourne

Vendredi à minuit, à Los Angeles, est l’heure ultime fixée pour les pourparlers entre le patronat des géants du cinéma et des plateformes de streaming et le syndicat des artistes hollywoodiens (SAG-AFTRA). Les 160 000 grands acteurs de cette organisation ont presque unanimement voté pour le principe d’une grève si aucun consensus sur un nouveau contrat de travail n’est atteint.

Suivant l’exemple des écrivains qui sont déjà en grève depuis mai, ces artistes exigent d’obtenir une meilleure récompense pour leur travail pour lutter contre l’inflation et l’insécurité professionnelle, tout en demandant des garanties pour faire face aux changements potentiels liés à l’utilisation de la technologie de l’IA.

Un mouvement inédit depuis 1960

Une telle mobilisation conjointe des acteurs et des écrivains à Hollywood serait la première depuis la grève majeure de 1960 sous la houlette de Ronald Reagan, une période qui avait conduit à des concessions majeures de la part des studios et avait solidifié la stature politique de cet acteur devenu par la suite président des États-Unis.

Avec la grève des écrivains qui a déjà considérablement freiné le rythme à Hollywood, le secteur serait totalement paralysé. Les acteurs sont capables d’interrompre non seulement les productions basées sur des scripts signés avant mai, mais également la promotion des superproductions attendues en salle cet été, incluant Barbie, Oppenheimer, Gran Turismo, et plus.

Seuls quelques talk-shows et des émissions de réalité seraient en mesure de continuer. De grands événements, comme les Emmy Awards, distribuant en septembre l’équivalent de l’Oscar pour la télévision, pourraient être en danger.

Le secteur du streaming dans le viseur

« Les gens qui ne font pas partie de cette industrie, et même certains qui la côtoient, ont une perception trop élevée des sommes que perçoivent les acteurs – on pense que si on voit une personne à la télévision, c’est certainement qu’elle est riche« , explique l’actrice Rebecca Metz. « Mais ce n’est plus du tout vrai depuis quelques années.« 

Gagner sa vie est devenu « extrêmement compliqué« , ajoute cette actrice, qui a notamment tenu un second rôle dans des séries comme Better Things et Shameless. « Je connais beaucoup de personnes du milieu qui ont dû prendre un second emploi« , ajoute-t-elle.

Comme pour les écrivains, le nœud du problème concerne les rémunérations « résiduelles », dues à chaque nouvelle diffusion d’un film ou d’une série. Alors que ces sommes sont conséquentes lorsqu’un film est télévisé en raison de la publicité, elles sont beaucoup moins élevées pour les plateformes de streaming, qui ne révèlent pas leurs chiffres d’audience.

Pour une rediffusion sur Netflix ou Disney+, les acteurs reçoivent une rémunération forfaitaire, peu importe le succès de leur production. « J’ai vu mes revenus résiduels chuter au cours des 10 à 15 dernières années« , déclare Rebecca Metz, en précisant qu’ils ne représentent plus qu’une « fraction minuscule » de ceux d’autrefois. Un problème majeur pour de nombreux acteurs, rappelle-t-elle, car il faut atteindre un salaire minimal pour avoir une couverture maladie.

Vers une prolongation des négociations ?

Personne ne sait encore si la grève aura lieu, tant les deux parties restent discrètes sur leurs pourparlers. L’ancienne star de la série Une nounou d’enfer, Fran Drescher, aujourd’hui présidente du SAG-AFTRA, a publié vendredi un message vidéo faisant état de « négociations extrêmement productives« , promettant un « accord décisif« . Cependant, le négociateur en chef du syndicat, Duncan Crabtree-Ireland, s’est inquiété de la « fenêtre très réduite » pour parvenir à un accord, alimentant ainsi des spéculations sur une possible prolongation temporaire des négociations.

La question de l’intelligence artificielle complique également les pourparlers, car les acteurs veulent obtenir des protections pour réglementer son utilisation future, en particulier en ce qui concerne le clonage vocal. « Aucune protection actuelle n’empêche un producteur d’utiliser notre voix, notre image« , comme il le veut, sans avoir à payer les acteurs, explique Rebecca Metz.

Les artistes veulent également contrôler les « auditions auto-enregistrées », devenues monnaie courante avec la pandémie : les studios demandent aux candidats de se filmer avec des applications comme Zoom, amenant ces derniers à apprendre des scènes toujours plus longues, sans être payés, et les privant du retour des directeurs de casting. « S’adresser à une caméra chez soi, sans jamais recevoir de feedback, éloigne du véritable métier d’acteur« , déplore l’actrice.