Football : L’Arabie saoudite s’efforce d’attirer des stars comme Benzema, Ronaldo, Kanté

Suite à l’arrivée de Cristiano Ronaldo l’année dernière, la compétition saoudienne a récemment vu l’entrée de Karim Benzema et N’Golo Kanté en l’espace de quelques jours, et il se pourrait que d’autres joueurs de football d’envergure les rejoignent bientôt.

En l’espace de six mois, le football saoudien a pris une nouvelle dimension. La Saudi Pro League a attiré deux grands joueurs, Cristiano Ronaldo et Karim Benzema, qui cumulent à eux deux six Ballons d’or, alors que ce championnat était jusque-là peu médiatisé. L’arrivée du champion du monde français N’Golo Kanté, officialisée le 21 juin, vient renforcer cette tendance. Avec des contrats de plusieurs centaines de millions de dollars et des ambitions démesurées, l’Arabie saoudite s’impose comme un nouvel acteur majeur dans le domaine des transferts de football.

Le régime saoudien cherche à s’appuyer sur le football pour accroître son influence, à l’instar du Qatar et des Émirats arabes unis, qui ont investi dans des clubs tels que le Paris Saint-Germain et Manchester City. L’objectif de l’Arabie saoudite est d’intégrer le football dans un plan de développement à grande échelle et de faire du sport un outil de sa politique d’influence, autrement dit le soft power.

Cependant, l’Arabie saoudite est souvent critiquée pour son non-respect des droits de l’homme et est aujourd’hui accusée de vouloir « blanchir » son image sur ce sujet en s’appuyant sur des stars mondiales du football. David Rigoulet-Roze, chercheur à l’Institut de Relations internationales et stratégiques (IRIS) et spécialiste de la péninsule arabique, pense qu’il y a effectivement un effet de sport-washing, mais que ce n’est pas là l’objectif principal.

Selon lui, l’Arabie saoudite cherche à « valoriser l’image de l’Arabie saoudite, la faire sortir de la caricature qu’elle a eue pendant longtemps, parfois fondée : l’image d’un royaume archaïque, centré sur des idées rétrogrades, avec une culture religieuse ultra-conservatrice ».

La Saudi Pro League est composée de clubs détenus par l’État saoudien et financés par le Fonds d’investissement souverain (FIP), l’un des plus importants au monde, estimé à plusieurs centaines de milliards de dollars. Parmi les clubs les plus importants, Al-Nassr, où évolue Ronaldo, et Al-Ittihad, nouveau club de Karim Benzema et N’Golo Kanté, ont ainsi été transformés en sociétés détenues par le FIP pour faciliter ces nouveaux investissements.

Pour Raphael Le Magoariec, doctorant à l’université de Tours et co-auteur du livre L’Empire du Qatar. Le nouveau maître du jeu ?, « On est dans la logique de l’État providence, mise en place depuis les années 1960-1970 en Arabie saoudite. Les clubs sont apparus comme un service offert par la puissance étatique ».

En renforçant leurs clubs avec des stars mondiales du football, l’Arabie saoudite cherche à étendre sa stratégie à bien plus qu’une simple acquisition de clubs étrangers, comme elle l’a fait précédemment avec le club anglais de Newcastle. Pour David Rigoulet-Roze, « Avec le recrutement de ces footballeurs, ce n’est pas juste de la façade, ils veulent créer une Saudi League de stars, cela donne une envergure jusque-là inexistante en Arabie saoudite pour créer une émulation au sein de son championnat. Ce n’est pas qu’une idée de sport-washing pour l’extérieur, cela participe à la construction d’un sentiment de fierté nationale. Avec l’idée qu’il s’agit de faire une ligue de football arabe qui soit crédible, pas artificielle ».

Cette stratégie de transferts spectaculaires s’inscrit dans le plan Vision 2030, mis en place par le roi Salmane en 2016. Parmi les objectifs de ce vaste plan de société et de transformation économique figurent la volonté de réduire la dépendance aux revenus pétroliers et d’accroître la présence de l’Arabie saoudite sur la scène internationale. Les revenus commerciaux de la Saudi Pro League pourraient ainsi passer de 120 à plus de 500 millions de dollars par an grâce à l’arrivée de stars comme Ronaldo ou Benzema.

Outre le football, l’Arabie saoudite a déjà accueilli le rallye Dakar, organisé des combats de boxe de grand envergure et est devenue, grâce à sa société pétrolière Aramco, l’un des principaux sponsors de la Formule 1. Elle est également désormais à la tête du circuit professionnel de golf après la fusion, mardi, de sa ligue, la LIV, née il y a un an, avec le circuit américain, le PGA, suite à de nombreux mois de conflits.

Le rêve ultime pour l’Arabie saoudite serait d’organiser des Jeux olympiques ou une Coupe du monde de football en 2030 ou en 2034 avec l’Égypte et la Grèce. D’ici là, le football n’a sans doute pas fini de voir ses grandes gloires rejoindre l’Arabie saoudite. « C’est une raison d’État, et si pour cela, il y a besoin d’argent, ils le mettront », annonce Raphaël Le Magoariec.