Mardi, sur les ondes de France Inter, l’expert en économie a souligné une diminution de la « mortalité chez les mères et les enfants », mettant en lumière un « résultat remarquablement favorable ».
« L’extrême pauvreté a été divisée par deux en trente ans », observe Esther Duflo, lauréate du prix Nobel d’économie en 2019 et titulaire de la chaire « Pauvreté et politiques publiques » du Collège de France, ce mardi 20 juin sur France Inter. Duflo souligne également une diminution de la « mortalité maternelle et infantile » et salue un « bilan extrêmement positif ». Selon elle, cette réduction de l’extrême pauvreté résulte d’un certain nombre « d’actions menées dans les pays pauvres et par les pays pauvres ».
Cependant, l’économiste met en garde contre l’émergence de plusieurs difficultés depuis la crise sanitaire, poussant « peut-être des millions de personnes » à basculer dans la pauvreté. « Depuis 2019, on assiste à une globalisation des problèmes auxquels font face les plus pauvres du monde », explique la professeure au Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux États-Unis.
La crise en Europe « se transforme désormais en une crise en Afrique »
Duflo mentionne notamment les « effets immédiats de la guerre en Ukraine sur l’Afrique, avec par exemple la hausse des prix alimentaires ». Selon elle, « l’inflation en Europe et aux États-Unis a conduit à une augmentation des taux d’intérêt, engendrant d’énormes difficultés en matière de service de la dette, créant ainsi une crise d’endettement » et rendant « le remboursement impossible ». Ainsi, l’experte constate qu’une « crise qui existe chez nous se transforme désormais en une crise en Afrique » en raison de cette mondialisation.
Depuis la crise du Covid-19, les indicateurs liés à la pauvreté semblent faire « un grand bond en arrière ». Bien qu’il soit difficile de quantifier précisément ce recul, l’économiste affirme que l’on peut tout de même le mesurer « à la fois sur la pauvreté elle-même, c’est-à-dire le nombre de personnes vivant avec moins de deux dollars par jour et par personne, et aussi sur des indicateurs pratiques ». Elle souligne ainsi que « le taux d’enfants vaccinés a considérablement diminué pendant la période du Covid et n’a pas augmenté depuis ». « Le paludisme, qui avait été très bien contrôlé, est en hausse car les programmes de distribution de moustiquaires ont été interrompus », ajoute-t-elle.
Duflo rappelle qu’au cours de la crise sanitaire, « les pays riches ont dépensé 27 % de leur PIB en mesures de soutien à leur population », contribuant ainsi à ce qu’il n’y ait « pas d’augmentation de la pauvreté ni en France ni aux États-Unis ». Cependant, elle note que « les pays pauvres ont réussi à dépenser 2 % de leur PIB, qui est beaucoup plus faible, pour leur population ». Cette comparaison permet de comprendre, en partie, pourquoi les pays riches ont pu se relancer rapidement à la sortie de la crise du coronavirus, contrairement aux pays pauvres. « On en a probablement pour des années où la situation macroéconomique sera très tendue pour les pays pauvres », regrette-t-elle.