Les petits de trois ans comprennent que l’on puisse ne pas tenir nos engagements, à condition d’avoir une justification valable. En revanche, si l’excuse est immorale, tel un motif égoïste, leur clémence est plus limitée.
Dès l’âge de trois ans, les enfants manifestent une compréhension complexe de la moralité. Mathilde Fontez, rédactrice en chef du magazine scientifique Epsiloon, renverse une idée préconçue sur les jeunes enfants.
franceinfo : Une équipe de chercheurs américains suggère une idée assez étonnante : les enfants sont en réalité très compréhensifs, ils comprennent que l’on puisse ne pas tenir parole, ils acceptent nos excuses ?
Mathilde Fontez : Oui, dès trois ans ! Alors que l’on imagine plutôt les grosses colères, la difficulté à tolérer la moindre frustration, le moindre désagrément à cet âge – qui correspond à l’entrée en maternelle. Et généralement, on attend l’âge de 7 ans pour leur faire entendre raison. Cependant, cette étude réalisée à l’Université Duke aux États-Unis auprès de 64 enfants montre qu’au contraire, ils sont assez raisonnables.
Les chercheurs ont présenté aux enfants des spectacles de marionnettes où ils devaient réagir face à des contrariétés. Une petite expérience très simple consistait à montrer les marionnettes promettant un jouet, mais ne tenant pas parole – sans jouet – avec des justifications plus ou moins convaincantes :
– Aucune excuse.
– La bonne excuse : je devais aider quelqu’un.
– La mauvaise excuse : je voulais regarder la télé.
Et les enfants acceptent ?
Ils acceptent en effet, mais seulement les bonnes excuses ! Ils estiment beaucoup mieux les marionnettes qui leur disent qu’elles devaient aider quelqu’un plutôt que celles qui voulaient simplement regarder la télé.
Ils acceptent les excuses prosociales, celles qui sont en accord avec les valeurs universellement reconnues comme positives, comme la générosité, l’entraide… Et ils sont beaucoup moins indulgents avec les excuses désapprouvées par la société, comme l’égoïsme. En somme, à 3 ans, ils ont déjà une compréhension élaborée de la moralité.
Jusqu’à présent, on pensait que ces valeurs apparaissaient plus tard ?
Globalement, oui. On a longtemps cru que cette étape cruciale qu’est le développement moral se déroulait lentement. Mais cette étude n’est pas la première à bousculer ces idées reçues. De nombreux experts de la petite enfance avaient déjà décrit un apprentissage du sens moral beaucoup plus précoce chez les enfants.
Depuis quelques années, les expériences en psychologie se multiplient pour le prouver. Par exemple, avant cette étude sur les excuses, une équipe avait déjà observé que les enfants de 3 ans sont capables de juger finement les autres en fonction de leurs intentions, et non seulement de leurs actions. Si l’on fait du mal à quelqu’un sans l’avoir fait exprès, cela passe mieux. Bref, tout ce savoir social s’intègre chez les enfants dès l’âge de 3 ans, voire même avant.
