Dans le Monténégro, la Chine a investi dans plusieurs projets, dont l’un est devenu emblématique : l’élaboration d’une route de 160 kilomètres destinée à connecter la cité portuaire de Bar avec la Serbie voisine.
Comme dans de nombreux pays européens, la présence de la Chine s’accroît au Monténégro, nation balkanique de 620 000 habitants. Les sociétés d’État chinoises y investissent, entre autres, dans les projets d’infrastructures.
Il y a un projet dont on parle beaucoup dans ce pays, où un parti jeunes et anti-corruption a récemment remporté les élections législatives le dimanche 11 juin : une autoroute de 160 kilomètres reliant la ville portuaire de Bar, sur la côte adriatique, à la Serbie, pays voisin au nord-est du Monténégro. Cette construction est devenue emblématique du développement en Europe des « nouvelles routes de la soie », l’ambitieux projet du président chinois Xi Jinping.
20 millions d’euros par kilomètre
En dépit de nombreux retards, une section de 41 kilomètres de cette autoroute, avec trois voies de circulation, de nombreux ponts et tunnels traversant d’impressionnantes montagnes, a été ouverte à la circulation à l’été 2022. Le coût total s’élève à plus d’un milliard d’euros, soit plus de 20 millions d’euros par kilomètre. Il s’agit d’un investissement conséquent, financé par la banque publique chinoise China Exim Bank, la seule institution qui a accepté de financer ce projet avec un prêt de 800 millions d’euros. Ainsi, cette autoroute représente plus de 20 % de la dette extérieure du Monténégro. De nombreuses personnes craignent les contreparties qui pourraient être exigées par Pékin.
« Une très petite partie des documents relatifs à ce projet a été rendue publique, et c’est pourquoi la question demeure : sur ces 20 millions d’euros par kilomètre, quelle est la part de la corruption ? », s’interroge Dejan Milovac, responsable de l’organisation non gouvernementale (ONG) MANS, qui n’a cessé de dénoncer les scandales de corruption liés à cette autoroute, l’une des plus chères au monde.
Deux parcs naturels en danger
Le projet d’autoroute est également controversé car il menace deux parcs nationaux du Monténégro, notamment le célèbre canyon de la Tara, le plus profond d’Europe. Ce joyau naturel du Monténégro est pourtant classé au patrimoine de l’UNESCO depuis 1977. « Depuis 2015 et jusqu’à aujourd’hui, la Tara a été dévastée en plusieurs endroits sur près de sept kilomètres, constate la militante écologiste Natasa Kovacevic. Sur les rives de la rivière, on peut voir d’énormes dépôts de déchets provenant du chantier qui ressemblent à des montagnes de 20 mètres de haut. Et ces décharges, ni les investisseurs chinois ni notre gouvernement n’ont l’intention de les éliminer ».
Malgré ce bilan en demi-teinte, les autorités monténégrines ont signé en mars 2023 un nouveau contrat avec une entreprise chinoise pour la construction d’une autre autoroute, cette fois-ci le long de la côte.