Jean-Yves Le Drian, le représentant spécial du chef de l’État français, a effectué une visite au Liban ce mercredi. Toutefois, dans la nation du Cèdre, la perception d’Emmanuel Macron a subi une dégradation considérable.
Dans le quartier chic de Badaro, au centre de Beyrouth, on croise beaucoup de Libanais francophones et francophiles. « La France, c’est comme notre deuxième pays, on aimait tellement de Gaulle, Chirac, tous les autres … » dit Nina, avant de tempérer : « Mais je ne sais ce qu’il en est de Macron, on ne l’aime plus, on l’aimait, mais on ne l’aime plus ! » répète la femme de 82 ans avec amusement.
Sentiment d’être « trahis » par la France
Pourtant, il y a trois ans, Emmanuel Macron a été acclamé par la foule lorsqu’il s’est rendu dans la capitale du Liban, après l’explosion du port. « On s’est dit : ‘Oh, voilà notre sauveur’, tout le monde a couru vers lui,’ se souvient avec amertume Nina. « Aujourd’hui, je me sens trahie parce que nous comptions vraiment sur la France. »
Ce sentiment de trahison traverse une grande partie de la population qui accuse la France d’avoir fait preuve de naïveté, en continuant de dialoguer avec la classe politique corrompue. Alors la visite de Jean-Yves Le Drian, Catherine, 32 ans, n’en a pas grand-chose à faire. « S’il vient pour des vacances, c’est super. Sinon, ça ne sert à rien ». L’ancien ministre des Affaires étrangères a été nommé le 7 juin « envoyé spécial » du président de la République pour le Liban, pour « faciliter une solution consensuelle et efficace » à l’impasse politique dans laquelle se trouve le pays, a expliqué l’Élysée dans un communiqué. Huit mois après la démission de Michel Aoun, le Liban reste sans chef d’État.
« On est plus Français que Libanais parfois, mais malheureusement avec Macron, on arrive à un point où on n’aime plus la France. »
Catherine n’attend plus rien de la diplomatie française. Pourtant, « les Libanais ont toujours apprécié et aimé la France », souligne-t-elle. « C’est un pays sur lequel on comptait depuis toujours. » Mais aujourd’hui, elle estime que l’État français cherche seulement ses « intérêts » et « se fout du Liban et des Libanais ». La preuve selon elle, « c’est que la France soutient Frangié ». Sleiman Frangié, candidat à l’élection présidentielle libanaise soutenu par le Hezbollah, par l’Iran et par l’Élysée.
Une diplomatie française « naïve »
Un choix incompréhensible pour Jean Riachi, banquier d’affaires, autrefois proche de la macronie. « Quand la diplomatie française a présenté Monsieur Frangié comme étant un bon candidat compte tenu des circonstances, c’était avouer dès le départ, la défaite de l’idée d’un État souverain au Liban », explique-t-il. « Le candidat Sleiman Frangié, quand il parle de réformes, c’est purement sémantique parce qu’il a rencontré des gens à la cellule diplomatique de l’Élysée qui lui ont dit ‘on veut des réformes’. Il a dit d’accord, ‘on va faire des réformes’. »
Selon lui, la France « a été d’une grande naïveté et malheureusement, poursuit-il, ça a eu un impact dans l’opinion publique au Liban parce que c’est quasiment une gifle pour le peuple libanais. » Jean Riachi espère désormais que l’Élysée se rangera derrière un autre candidat, capable de relever l’économie libanaise.