Mardi dernier, Moscou a été la cible d’une agression par drones, et selon Michel Goya, un ex-colonel des forces navales, « les dommages étaient très restreints ». De plus, pour les Ukrainiens, « le but principal était surtout de laisser une impression marquante ».
« Nous sommes clairement dans la phase de préparation » de l’offensive ukrainienne, a déclaré mardi 30 mai sur Franceinfo Michel Goya, ancien colonel des troupes de Marine, historien militaire et co-auteur avec Jean Lopez de L’Ours et le Renard, publié aux éditions Perrin, alors qu’une attaque de drones sans précédent a touché le 30 mai Moscou et sa région, au moment où Kiev subissait une nouvelle vague de frappes meurtrières.
Vladimir Poutine a accusé l’Ukraine de vouloir « terrifier » les Russes. « Les dégâts sont très limités », rappelle Michel Goya, avec « seulement quelques blessés ». Mais l’objectif de l’attaque est « tout autre ». « Il s’agit très clairement d’une attaque psychologique », assure l’ancien militaire.
### Questions à Michel Goya ###
franceinfo : Quel est, selon vous, l’intérêt de ce type d’attaque de la part des Ukrainiens ?
Michel Goya : Les drones utilisés dans cette attaque dans le ciel de Moscou sont des drones ukrainiens qui ont un rayon d’action suffisant pour partir depuis l’Ukraine. Les dégâts sont très limités. Ces drones n’ont pas la capacité de causer des dégâts énormes, surtout lorsqu’ils sont lancés à grande distance, où l’on réduit la charge explosive pour mettre plus de carburant, pour pouvoir aller plus loin. Ces attaques n’ont officiellement fait que quelques blessés. Mais leur intérêt était tout autre. Il s’agissait essentiellement de marquer les esprits. Ces attaques ont eu lieu, en particulier dans le quartier de Novo-Ogariovo. C’est le quartier résidentiel de l’élite russe. C’est là où, comme par hasard, Vladimir Poutine a eu une résidence. Et les drones qui ont été détruits étaient tout autour de cette résidence. Donc il s’agit très clairement d’une attaque psychologique (pour dire) « nous aussi Ukrainiens, nous pouvons frapper les villes comme vous le faites, vous en Russie. Et regardez votre défense n’est pas capable d’empêcher ça. Vos leaders, votre armée n’est pas capable d’empêcher ça ».
Pourquoi les Ukrainiens lancent-ils ces attaques alors que les États-Unis ne les soutiennent pas ?
C’est vrai, ils ne soutiennent pas, mais ils n’ont pas condamné non plus. On notera qu’ils sont également sensibles au fait que les Ukrainiens n’utilisent pas de matériel spécifique fourni par les pays occidentaux. Là, c’est du matériel ukrainien qui est systématiquement utilisé pour effectuer ces attaques. Les Américains sont très réticents à ce genre de chose parce qu’ils ont peur d’une escalade, peur de fournir un prétexte à la Russie pour aller plus loin, pour mobiliser la nation.
Du point de vue ukrainien, il y a un petit aspect opérationnel. C’est-à-dire qu’en attaquant l’intérieur du territoire par des drones ou par des raids terrestres, on peut attirer les défenses russes à l’intérieur plutôt qu’elles soient sur la ligne de front, de manière à affaiblir cette ligne de front. Mais surtout, lorsque vous êtes attaqué vous-même sur votre territoire depuis des mois, la tentation est extrêmement forte, si vous en avez la possibilité, d’exercer des représailles, de rendre la monnaie, de faire goûter aux Russes la vodka qu’ils servent aux Ukrainiens. C’est humain. Le risque étant de basculer dans une spirale d’escalade. Et si on en a les moyens, si on commence à avoir des missiles plus puissants, de frapper non plus des objectifs militaires mais également des objectifs civils. Et ça, ça soulage les Ukrainiens. Mais c’est aussi dangereux parce que ça nourrit le discours russe d’agression. Et ça peut avoir l’effet inverse de provoquer une mobilisation ou un resserrement russe derrière Vladimir Poutine.
Est-ce que toutes ces attaques, d’un côté ou de l’autre, sont les prémices de l’offensive ukrainienne annoncée ?
Ces attaques de part et d’autre pourraient se suffire en soi. Mais très clairement, elles entrent aussi dans le cadre de cette préparation à des choses plus importantes. Et évidemment, c’est cette offensive ukrainienne. Du côté russe, on a multiplié ce mois-ci les attaques par missiles. Mais des attaques par missiles, il y en a de moins en moins, parce que les Russes ont épuisé leurs stocks. Et là, ils frappent en fonction de ce qu’ils produisent. C’est assez réduit. Ils attaquent surtout avec des drones iraniens. Mais avec des drones, en réalité on ne fait pas énormément de dégâts. Ce n’est pas ça qui peut avoir un impact décisif. Mais ça maintient la pression. Ça oblige aussi les Ukrainiens à retirer une partie de leurs forces de leur système de défense aérien pour essayer de les contrer, pour défendre les villes. C’est autant de moins qui est sur le front. Et puis d’une manière générale, cela peut perturber les préparatifs de cette offensive. On est clairement dans la phase de préparation avant le jour J.