Allemagne: fin du nucléaire civil avec l’arrêt des trois derniers réacteurs samedi

L’Allemagne procédera à une cessation définitive de l’énergie nucléaire samedi à partir de 22 heures. Les trois réacteurs restants qui sont toujours en activité seront stoppés.

La fin d’une ère est arrivée : le samedi 15 avril, à partir de 22 heures, l’Allemagne mettra hors service ses trois derniers réacteurs nucléaires encore en activité : Emsland en Basse-Saxe, Neckarwestheim II dans le Bade-Wurtemberg et Isar II en Bavière. Cela marquera la conclusion d’un processus entamé il y a 20 ans, que la chancelière allemande Angela Merkel avait accéléré après la catastrophe de Fukushima en 2011.

Malgré la guerre en Ukraine et l’arrêt des importations de gaz russe qui en a découlé, le gouvernement actuel n’a pas changé d’avis. Au cours de 2022, l’opinion publique a commencé à changer : face à la hausse des prix de l’énergie et aux préoccupations liées au réchauffement climatique, de plus en plus de personnes ont demandé de prolonger la durée de vie des centrales nucléaires qui devaient initialement fermer le 31 décembre 2022.

## 6,3 % de la production d’électricité

Le gouvernement d’Olaf Scholz, incluant les Verts fermement opposés au nucléaire, a finalement accepté de repousser l’échéance. Les centrales ont bénéficié d’un sursis de trois mois et demi, et étant donné que l’hiver doux s’est déroulé sans coupures de courant ni pénurie de gaz, ce nouveau calendrier a été bien accepté. L’Allemagne n’ayant pas d’arme nucléaire, la question stratégique est absente des débats. La sortie du nucléaire est aussi liée à un changement de modèle énergétique plus global.

En effet, les trois réacteurs concernés ne sont pas d’une importance vitale. Ils fournissent 6,3 % de l’énergie produite dans le pays (avec une puissance installée nette de 4 gigawatts), soit une quantité négligeable comparée à celle du charbon, qui produit le tiers de l’électricité du pays. En 2022, la production d’énergie issue du charbon a même augmenté de 8 % pour compenser le manque de gaz. C’est là que réside le véritable enjeu.

## Cap vers les énergies renouvelables

Cependant, la production d’énergie à partir du charbon cessera également en 2038, avec la fermeture de nombreuses centrales dès 2030. Pour compenser la fin de l’énergie nucléaire et du charbon sans augmenter ses importations d’électricité, l’Allemagne compte promouvoir l’installation de centrales à gaz puis à hydrogène, et surtout accélérer le développement des énergies renouvelables. C’est un défi de taille pour Berlin, car le gouvernement espère que d’ici 2030, 80 % de la consommation allemande proviendra des panneaux solaires et des éoliennes.

Cela signifie qu’il faudra installer chaque jour « quatre à cinq éoliennes » et « l’équivalent de plus de 40 terrains de football de panneaux solaires », reconnaît le ministre de l’Énergie, Robert Habeck. Cet objectif est très ambitieux, mais le gouvernement en a vraiment fait sa priorité.

## L’enfouissement des déchets

En ce qui concerne la fermeture des centrales nucléaires, il n’y a pas de simple bouton marche/arrêt : la diminution de l’activité s’effectue progressivement. Les éléments combustibles situés au cœur du réacteur seront d’abord immergés dans une piscine, où ils resteront pendant trois à cinq ans avant d’être placés dans des conteneurs. Parallèlement, le démontage des autres éléments de la centrale commencera en 2024 et durera environ 15 ans.

Il faudra également trouver un site d’enfouissement pour les déchets qui resteront très radioactifs, et cette question n’est pas encore résolue. La phase de recherche a pris du retard et ne se terminera pas avant au moins 2046. Ensuite, il faudra encore 20 ans avant de pouvoir y déposer le premier colis radioactif. Ce délai peut sembler long, mais le site doit être extrêmement sécurisé pour pouvoir stocker les déchets pendant un million d’années. En résumé, l’Allemagne est loin d’en avoir fini avec les controverses liées au nucléaire.