Comment la grande distribution a-t-elle transformé notre quotidien ? Il y a six décennies, en juin 1963, le tout premier hypermarché français, une enseigne Carrefour, voyait le jour à Sainte-Geneviève-des-Bois, située dans le département de l’Essonne. Analyse en compagnie du sociologue Jean Viard.
La grande distribution a révolutionné nos habitudes de consommation il y a 60 ans, lorsqu’en juin 1963 le premier hypermarché Carrefour a ouvert ses portes à Sainte-Geneviève-des-Bois, en Essonne. Avec des surfaces allant de 2 500 m2 à 20 000 m2, les hypermarchés ont-ils vraiment changé la France ?
Un grand événement pour la France
Selon Jean Viard, au moment de l’ouverture du premier hypermarché, les États-Unis fascinaient les Français. Le concept de l’hypermarché était nouveau pour eux, habitués aux petites boutiques où il fallait demander l’autorisation de toucher les produits. L’hypermarché offrait un sentiment de liberté aux consommateurs et donnait l’impression que tout était gratuit car les produits n’étaient pas payés pièce par pièce. Ce changement s’est inscrit dans un paysage où l’on a créé 63 000 ronds-points, des milliers de grandes surfaces et des zones commerciales et d’urbanisation accompagnées par l’utilisation de la voiture.
Impact sur nos territoires
L’introduction des hypermarchés a contribué à une augmentation des distances parcourues par les Français, passant de cinq kilomètres par jour en moyenne à l’époque du premier hypermarché à 60 kilomètres de nos jours. Aujourd’hui, nous redécouvrons les petites et moyennes villes comme des lieux de lien social, de convivialité et du télétravail, marquant la fin de la période durant laquelle les ZUP, les supermarchés et les ronds-points ont structuré les territoires.
Changements dans la consommation et les modes d’achat
La démocratisation de l’accès aux objets, souvent importés d’Asie et donc peu coûteux, est l’une des conséquences majeures de l’apparition des hypermarchés. La plupart des objets vendus dans les grandes surfaces proviennent d’Asie, tandis que les produits frais et locaux prennent une place de plus en plus importante. Cependant, la livraison à domicile prend progressivement le relais, ce qui pose un problème pour les très grands hypermarchés, sauf s’ils sont spécialisés, car la livraison leur fait concurrence.
Un retour en arrière ?
Aujourd’hui, nous assistons à un retour en arrière en termes de consommation, avec un accent mis sur le local et la livraison à domicile. La logistique représente 10 % de l’emploi en France, et la question de la livraison, de sa structuration et de son impact écologique devient primordiale. La livraison est plus rationnelle d’un point de vue écologique, il est préférable de livrer 10 familles avec une camionnette électrique plutôt que chacun se déplace en voiture pour faire ses courses. Cette évolution transforme notre rapport au territoire, avec un enjeu écologique et un retour à une société pédestre.